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mardi 8 juillet 2014

Pont des Arts : amours cadenassés à Paris



Par Harish Caleechurn

À l’heure où la mairie de la capitale envisage d’interdire les « cadenas d’amour » sur la passerelle, le phénomène dépasse le champ amoureux et devient un lieu de mémoire pour des touristes venus du monde entier.

Quand vous traînez sur les berges de la Seine, il n’y a pas que Jane et Serge sur le pont des Arts, pour faire mentir Alain Souchon. Des gens moins connus, touristes étrangers ou Français, y viennent depuis juillet 2008 pour sceller leurs sentiments avec des cadenas.

Sauf que les grilles arrivent de moins en moins à porter tous ces amours. Dimanche 8 juin, une partie de cette passerelle piétonne de 155 mètres, dont la construction a débuté en 1801 et qui relie le musée du Louvre à la coupole de l’Académie française, s’est effondrée.

La mairie de Paris a alors fait enlever 37 grilles supportant chacune une demi-tonne de « cadenas d’amour » jeudi 12 juin. Par mesure de sécurité, mais aussi pour « redire son souhait de trouver une alternative à cette mode dangereuse et inesthétique », comme le rapporte Ouest France.

Bébés décédés

Soleil de plomb mercredi 2 juillet sur le pont des Arts. Un accordéoniste joue de la valse musette. Les touristes étrangers parlent leurs langues respectives dans le sillage des bateaux-mouches. La majestueuse tour Eiffel montre le bout de son nez derrière les appartements haussmanniens. Au loin, contraste frappant entre la dorure des Invalides et le jardin des Tuileries.

Nous sommes bien à Paris. Et Singh, clandestin indien âgé de 16 ans, vend des cadenas à 3, 4 et 5 euros depuis trois ans, et ment très mal : « Je n’apporte qu’une vingtaine, et puis quand c’est fini je rentre à la maison. » Au bout d’une conversation de 10 minutes, entre français baroque, anglais approximatif et hindi impeccable, Singh a bien vendu des dizaine de cadenas.

Jenna est peut-être la cinquantième cliente de Singh. Cette Anglaise de 16 ans vient visiter Paris pour la première fois. Visage crispé, elle cherche un endroit où accrocher son cadenas : « Je suis venue pour la mémoire de mes deux cousins décédés il n’y a pas longtemps. Ils étaient bébés. C’est une façon pour moi de ne pas les oublier », lâche-t-elle, les larmes aux yeux.

Moins amoureuse ou sentimentale, Emma, la rebelle américaine de 15 ans, de passage à Paris pour la seconde fois, tient à venir accrocher un cadenas avec seul son prénom et la date à laquelle elle est venue sur le pont des Arts. Une manière de se dire « fière » de ne pas avoir de copain : « C’est un peu comme un accomplissement personnel. Un geste en ce lieu connu des amoureux. »

Continuer à enlever les grilles

Surtout que le rituel des « cadenas d’amour » est simple : acheter un cadenas, écrire un message et la date, se faire photographier, l’accrocher à la grille du pont des Arts et jeter les clés dans la Seine. Le cadenas peut aussi venir de loin : « Harry and Toula Australia » ; être classique : « Harky + Wooshka 4 ever », ou original : « Toutou (cœur) ». Et quand des Chinoises ont pu réaliser ce « rêve », elles applaudissent durant des minutes.

Les « cadenas d’amour » sur le pont des Arts deviendront-ils un lointain souvenir ? Bruno Julliard, premier adjoint de la maire Anne Hidalgo, a expliqué en conférence de presse jeudi 12 juin que la mairie de Paris « continuera à enlever des grilles », explique Ouest France.

À court terme des messages seront diffusés afin d’inciter les gens à ne pas poser de cadenas ; à moyen et plus long terme la mairie de Paris va s’efforcer de proposer une alternative en mettant à contribution l'imagination des artistes.

Police nationale

C’est ce que fait Thierry, médecin à la retraite de 66 ans et artiste à ses heures perdues sous le pseudonyme Harry Etincelle. Souvent il « remplit ses journées » sur le pont des Arts à préparer un projet qu’il soumettra à la mairie de Paris pour enrayer mais préserver le phénomène des « cadenas d’amour » :

« J’aimerais bien qu’on construise une structure ou un monument où les gens pourront accrocher leurs cadenas. Le mieux serait sur le bord de la Seine. »

Un bref coup d’œil vers le musée du Louvre, et on y aperçoit Singh, le vendeur de cadenas, partir en courant à l’arrivée de trois agents de la police nationale qui font le va-et-vient sur le pont des Arts.

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